D’analphabète à professeur de chimie à l’université
Le goût d’apprendre a permis à Adam Duong de devenir professeur de chimie à l’Université du Québec à Trois-Rivières,
PHOTO : RADIO-CANADA
Maude Montembeault
Si on veut, on peut. Voilà la devise d’Adam Duong. Le Trifluvien d’adoption ne savait ni lire, ni écrire et encore moins parler le français quand il a quitté le Vietnam pour la France, à la fin des années 80. Il avait dix ans. Cela ne l’a pas empêché de compléter un postdoctorat à la prestigieuse université californienne Berkeley. À 40 ans, il enseigne maintenant la chimie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Dans le laboratoire d’Adam Duong, des formules complexes colorent la vitre qui recouvre des produits chimiques en ébullition. On comprend rapidement que le champ d’expertise du professeur est niché. D’ailleurs, les étudiants à la maîtrise et au doctorat qu’il supervise arrivent des quatre coins de la planète, soutenus par de généreuses bourses d’études.
Dans le local où ils se rencontrent pour faire le point sur les travaux de chacun des étudiants, l’ambiance est décontractée malgré le sérieux des sujets abordés. Après avoir échangé sur la synthèse de catalyseurs pour la production d’hydrogène, le professeur Duong lance l’idée d’organiser une activité de paintball
. Il veut redonner à ses étudiants ce qu’il a lui-même reçu : la motivation pour persévérer.
À l’école sans repères
Ses parents, ses frères et sœurs ont quitté le Vietnam quand le petit Adam avait dix ans. Ils se sont alors installés dans un quartier défavorisé de Strasbourg. À sa première journée de classe, l’écolier n’avait aucun repère. Je ne savais pas ni lire ni écrire, je devais tout apprendre de zéro
. Malgré toutes les embûches qui se dressaient devant lui, son goût d’apprendre s’est rapidement développé entre autres grâce aux encouragements de ses enseignants. Tu es bien, tu es beau, tu as cette capacité, on est là pour t’aider
, lui disaient-ils.
On se sent en confiance, on sent qu’on peut le faire. De là, on développe cette envie d’aller à l’école […] c’est le premier déclic pour moi.
À force de persévérance et de discipline, il chemine avec succès jusqu’au niveau universitaire. Il décroche l’équivalent d’une maîtrise à l’Université de Strasbourg. Il sera d’ailleurs le seul des dix enfants de sa famille à se rendre aussi loin sur le plan académique.
Mais Adam Duong rêve aussi de sortir de chez lui, de voir le monde et de pousser encore plus loin ses connaissances en chimie. Pendant un été, il travaille dans une usine afin d’amasser suffisamment d’argent pour payer un billet d’avion pour le Canada et de quoi vivre quelques mois au Québec où il est accepté au doctorat en chimie organique à l’Université de Montréal.
C’est lui qui va ensuite cogner aux portes des universités américaines les plus prestigieuses pour ses études postdoctorales. Sa détermination et son talent font le reste: d’abord à Université de la Californie à Los Angeles (UCLA) puis à celle de Berkeley (UCB).
Ce que les enseignants ont fait pour moi, j’aimerais pouvoir le “redonner” à mon tour un jour. Enseigner à quelqu’un, former quelqu’un, “redonner” ce qu’on m’a donné. La société m’a donné quelque chose et j’aimerais le “repartager” avec les autres. C’est ça qui a été le moteur, le feu que j’ai toujours cherché à garder vivant.
Aussi gymnaste
Adam Duong caressait un autre rêve depuis son enfance : devenir gymnaste. C’est en voyant le Magnificent Seven remporter l’or aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996 qu’il a eu envie d’en faire autant que les sept gymnastes américaines.
Il inscrit d’abord ses deux enfants au club Gym TRM de Trois-Rivières. Je [les] regardais à travers les hublots et je me disais “qu’est-ce que j’aimerais ça être à leur place, sauter au trampoline, sauter sur le cheval”, mais je me disais que le corps est trop vieux et trop dur.
C’est à la salle d’entraînement de l’UQTR
, où il garde la forme, qu’il apprend que des cours de gymnastique sont également offerts aux adultes. C’est aussi là qu’il s’est fixé un autre défi, sauter en hauteur l’équivalent de sa propre taille.Son entraîneuse de gymnastique se remémore d’Adam Duong lors de son premier cours. Il était émerveillé. Il l’est encore aujourd’hui. Il a des étoiles dans les yeux
, raconte Jade Loranger. Quand il est rentré ici, il voulait tout faire et tout apprendre.
Le professeur, maintenant gymnaste, impressionne. Après quelques mois seulement, il exécute déjà plusieurs mouvements que peu de quadragénaires oseraient expérimenter.
On a un sport qui est quand même extrême et complexe. C’est certain que quand j’ai quelqu’un de quarante ans qui arrive ici et qui est une petite bombe, qui se lance dans les airs, qui arrive à tourner sans peur, ça m’impressionne tout le temps. Adam c’est certain qu’il est impressionnant.